Il y a des spectacles qui ne ressemblent à aucun autre, et, comme par hasard, c’est de ceux-là dont on se souvient. Dans la petite salle carrée de La Condition des soies, comme retirée du monde, l’actrice taiwanaise Hsu Yen-ling évoque dans une performance exceptionnelle les dernières heures de la vie de la poétesse américaine Sylvia Plath, morte à l’âge de trente ans.
Hsu Yen-ling est une jeune femme de vingt-six ans à la carrière déjà impressionnante. Au début de la pièce, on la découvre immergée dans une baignoire qui est une sorte de refuge régressif pour son personnage. Après un moment de crise très violent, une fois la comédienne séchée, changée et équipée d’un micro portatif, commence un voyage méditatif peuplé de visions inquiétantes. Hsu Yen-ling, en robe blanche, occupe l’espace du plateau. Des poèmes épars gisent autour d’elle. Elle manipule un rasoir, qui représente le fil d’une vie sur le point de se rompre. Un partenaire masculin, qui restera silencieux – est-il père ou mari ? amant ou ami ? –, partage cet espace, présence tantôt protectrice, tantôt menaçante.
Le texte original s’inspire du poème 41° de fièvrede Sylvia Plath. Il exprime dans une langue à la fois poétique et violente le trouble intérieur de la poétesse, sa solitude, son impossibilité de vivre. Proféré (en chinois) par la comédienne, dit en voix off (en français), projeté sur l’écran, il envahit l’espace de la scène. Cette ultime nuit de désespoir profond est aussi vécue comme un moment de plénitude poétique, durant lequel la langue est portée à incandescence. Cette femme à l’identité trouble qui ne parvient pas à exister se lance dans une quête éperdue d’elle-même, affronte ses fantômes et fait entendre un chant du cygne émouvant.
La scénographie, de haut niveau, met en œuvre des moyens impressionnants : un mur entier transformé en écran vidéo géant, sur lequel défileront images et surtitres. Parfois, l’actrice est à l’image elle-même, comme pour mieux faire partager le désarroi et les conflits intérieurs du personnage. Ajoutons une bande sonore de grande qualité, et l’on obtient un spectacle dont les éléments constitutifs se complètent harmonieusement et où la technologie, sans jamais être gratuite, est mise au service de la poésie.
Bien sûr, le choc culturel ne disparaît pas tout à fait, et le propos n’est pas toujours limpide. C’est que le projet relève plus de la performance que du théâtre à intrigue. Dans une forme esthétique originale, langue, corps, images et sons s’offrent un ballet pour exprimer les liens troubles qui se nouent entre pulsion créatrice et désir d’autodestruction. Hsu Yen-ling fascine par sa présence d’une intensité rare, et s’impose par son culot et la maîtrise totale de son jeu. Un spectacle très dense, visuellement le plus beau que j’ai vu depuis longtemps. Précisons, pour finir, que pas moins de cinq spectacles taiwanais figurent au programme du Off cette année, tous à La Condition des soies.
剃刀邊緣
有些演出與其他的就是不一樣,而,偶然地,總是這些演出深印我們腦海之中。在La Condition des soies的四方劇場裡,如同與世隔絕一般,台灣女演員徐堰鈴在一場精彩的表演中回溯美國女詩人Sylvia Plath三十歲身亡前幾個小時的人生。
徐堰鈴雖然只有二十六歲,但表演經歷卻相當豐富。在演出開始時,我們看見她浸在一個浴缸之中,同時這也是一種角色壓抑情緒的庇護所。在一陣暴烈的恐慌後,女演員擦乾自己的身體、著衣、戴上了耳機式麥克風,帶我們展開一段充滿令人恐懼意象的思想旅程。徐堰玲身著白色洋裝,活耀於舞臺每一個角落。四散的詩句印在她的周圍。她玩弄著一把刮鬍刀---象徵著生命快要崩裂的絲弦。一位保持沉默的男性夥伴---他是她的父親還是丈夫 ? 情人或是朋友 ?---與她共同分享這個空間,他的存在一會兒像是保護,一會兒又像是威脅。
演出文本發展自Sylvia Plath的第高熱103度。同時用詩意且暴力的語言表現出女詩人內心的紛亂、她的孤寂、她無法活下去的狀態。詩詞由女演員(用中文)現場朗誦、(以法文)錄音播放、投影至銀幕上,文字蔓衍了整個舞臺空間。在這充滿極致沮喪的最後一夜竟然像是詩中充滿寧靜的片段,而語言又讓它燃起火光。這位對身分認同有疑慮到無法繼續存活的女人,投身一場對自己發狂的探索中,與自己的鬼魂對峙,聽見了她最後一部動人的作品。
令人印象深刻的舞臺運用 : 一整座牆面變成巨大的投影幕,在銀幕上串起了連綿的意象和字幕。有時候女演員就在自己的影像前面,就像一同共享角色的紛亂和內心的衝突。還有高品質的音響效果,我們享受了一場所有劇場元素和諧地相互配合的演出,在其中劇場的技術---絕對不是無緣無故---完全服務於詩文。
當然,文化的衝突也不能完全排除在外,這樣的創作概念也並不總是清晰。然而這計畫凸顯了表演藝術(Performance)更勝於有劇情的演出。在純粹的美學形式之下,語言、肢體、影像和聲音構成了一齣芭蕾,為了傳達維繫在創作衝動和自我毀滅慾望之間的模糊地帶。徐堰鈴以少見充滿力度的存在感讓我們驚艷,以她的膽量讓我們折服,她亦能完全掌握自己的表演。一場紮紮實實的表演,視覺上是我長年來看過最美的。結束前,讓我提醒您今年在Off戲劇節中有五個台灣團隊的演出,全部都在La Condition des soies。